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Quelles leçons tirer du financement au parcours de santé à l’étranger ?


Finances Hospitalières - Avril 2018

L’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale incite les organisations à expérimenter de nouveaux modèles de financement tels que la tarification au parcours.


L’expérience internationale sur ce sujet est déjà riche, mais les exemples de modèles qui ont très bien réussi sont limités. S’appuyer sur ce qu’on l’a appris ailleurs est essentiel pour que l’expérience française soit un succès. Pour cela, il faudra impliquer les médecins dès le début de la réflexion, adapter les systèmes informatiques, assurer
l’ensemble des soins par les partenaires inclus dans le parcours de santé et surtout expérimenter différentes possibilités avant d’arrêter le choix du modèle. 

Pourquoi un financement au parcours de soins ?

Les modes de tarification doivent s’adapter à l’évolution du système de santé


Les modalités de financement des établissements de santé ont changé en France au fil des quarante dernières années. Le financement à la tarification à l’activité (T2A) lancé en 2004 en est la dernière version.


Au cœur de la stratégie de transformation du système de santé se trouve l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 qui vise à encourager, accompagner et accélérer le déploiement de nouvelles organisations en santé. Le décret n° 2018-125 du 21 février 2018 vient définir le cadre au travers de l’expérimentation d’innovations organisationnelles qui incluent les nouvelles formes de tarification, dont notamment le financement au parcours de soins.


Le regroupement des soins qui appartiennent logiquement à un parcours peut permettre de réduire les coûts et d’améliorer la qualité. Si le principe de la T2A est relativement simple (une même rémunération forfaitaire est accordée pour un même type de séjour), elle a cependant quelques effets indésirables.


D’une part, étant donné qu’elle ne prend pas en compte l’intégralité du parcours de soins, la T2A peut entraîner une augmentation du volume de soins, puisque la pertinence de chaque acte n’est pas forcément évaluée. D’autre part, la T2A n’incite pas à développer le recours à l’’innovation technologique, notamment dans le domaine de la médecine prédictive et personnalisée, qui n’impliquerait pas directement l’hôpital mais qui pourrait être très bénéfique pour le patient.


C’est ici que réside tout l’intérêt du regroupement d’activités et de services en un seul paiement, ce qu’on appelle en anglais « bundling ». Les « bundles » sont les modes de rémunération qui sont à l’intermédiaire entre des paiements atomisés, comme la T2A et la rémunération à la journée, et des paiements globalisés, comme la dotation globale et la capitation (Figure 1).

Trois types de paiement regroupés sont les plus couramment mis en avant :

  • À l’épisode – qui cible principalement des actes chirurgicaux
    lourds et des soins médicaux aigus 
  • Par parcours de soins – qui cible notamment les maladies chro-
    niques, les cancers et les grossesses
  • « Shared savings programmes » – qui cible une population donnée
    et vise à inciter à la coordination dans une approche territoriale

L’évolution vers un mode de rémunération regroupé intermédiaire est une tendance qui se dégage dans toute l’Europe à la fois dans les pays qui rémunèrent les hôpitaux à la T2A et dans les pays qui ont adopté une rémunération par dotation globale.

En effet, ces modes de rémunération regroupés créent des incitations vertueuses à la coordination des différents opérateurs de santé et à concevoir l’offre de soins en ayant le patient au centre. Les opérateurs de soins doivent prendre en considération l’ensemble des étapes, ce qui conduit à une meilleure efficacité du système, une réduction des coûts et une amélioration de la qualité, notamment à travers une réduction des taux de complications, de ré-hospitalisation et d’admission en urgence. Ce mode de financement favorise également l’intégration des stratégies de prévention au parcours de soins.

Un autre avantage de ce type de rémunération est la diminution de la charge administrative pour l’assurance maladie, qui aujourd’hui encore doit faire face à une grande complexité de dévolution des ressources aux établissements de santé lié à la complexité du système de financement à la T2A.

Un riche vivier d’expériences de financement au
parcours de soins à l’international

Si l’intérêt porté à la tarification au parcours semble être relativement récent, l’un des premiers exemples de ce mode de rémunération remonte aux années 80 : le Texas Heart Institute avait institué un paiement à l’épisode pour le pontage aortocoronarien. Depuis cette date, de nombreux pilotes de tarification à l’épisode ou au parcours de soins ont vu le jour dans différents pays (Figure 2).

Ces expériences sont très variées et une large gamme de typologies de rémunération regroupée ont été mise en place à partir de différents critères :

  •  le type de pathologie
  • la période pendant laquelle les dépenses de soins sont prises en charge
  • les services et les opérateurs qui sont couverts par le financement

Au niveau international, deux grandes tendances peuvent être observées. Certains pays tels que la Suède et les États-Unis se focalisent principalement sur des épisodes aigus courts, traités surtout au niveau de l’hôpital. D’autres comme le Pays-Bas et le Portugal se sont plutôt consacrés à la gestion des maladies chroniques au niveau de la ville.

Les États-Unis sont le pays avec la plus vaste expérience dans ce type de financement, principalement grâce au Center for Medicare & Medicaid Innovation qui a lancé plusieurs pilotes depuis les années 90 et au réseau d’hôpitaux privés sans but lucratif qui essayent de se différencier pour attirer des patients. L’une des leçons à tirer de l’expérience des États-Unis est aussi la multitude d’exemples, certains lancés en parallèle, qui ont permis de tester les différents systèmes pour avancer plus rapidement.

Saisir l’opportunité de commencer plus tard

La France commence tout juste à réfléchir à l’évolution de la T2A vers de nouvelles formes de tarification et a l’avantage de pouvoir bâtir son nouveau système sur la base de connaissances internationales acquises depuis plus d’une décennie. Il ne s’agit pas de répliquer à l’identique en France un modèle performant conçu ailleurs mais plutôt de s’en inspirer afin notamment d’éviter les écueils dans lesquels ces expériences passées ont pu tomber. Il est donc fondamental de bien comprendre comment les différents modèles ont été conçus à l’étranger.

Des exemples de réussite, mais des défis à ne pas négliger

Les modèles qui ont le mieux réussi ont été mis en place dans des milieux sophistiqués, avec un système informatique robuste, des objectifs de qualité bien définis, incluant tous les opérateurs nécessaires au traitement complet des patients et avec une forte implication des médecins depuis la conception du mécanisme (Figure 3)

Le financement d’épisodes de soins aigus nécessitant une intervention chirurgicale, comme par exemple les arthroplasties et les pontages aortocoronariens sont notamment des exemples fructueux dont il faudrait s’inspirer.

En effet, pour ce type de cas, il est relativement facile de déterminer un parcours bien spécifique, de mesurer le risque et de prévoir tous les soins qui seraient nécessaires et bénéfiques aux patients.

En revanche, il semble plus délicat de développer des parcours pour des patients suivis sur le long terme, puisque cela implique un niveau de coordination plus important et il devient plus difficile de définir avec certitude quels seront tous les soins que le patient aura besoin.

L’autre aspect qui est difficile dans le cas des parcours de soins de long terme est décider qui sera le détenteur des fonds, ce qui fait partie des points de vigilance (Figure 3). Dans le cas d’épisodes aigus, l’hôpital apparaît comme le détenteur de fonds naturel, mais pour des maladies chroniques cette décision est beaucoup plus controversée.

Le positionnement de l'hôpital change

 Il est intéressant de constater que ce changement dans la tarification entraîne un changement dans le positionnement de l’hôpital. Avec un parcours, il est en effet attendu que le nombre de ré-hospitalisations et de complications diminue et, par conséquent, le volume d’activité de l’hôpital. En revanche, l’hôpital acquiert l’opportunité d’avoir un rôle central en tant que détenteur de fonds et coordonnateur des soins.

Conclusion

L’évolution des modes de rémunération vers un financement au parcours, ou bien à l’épisode, constitue une opportunité pour l’hôpital de devenir l’acteur central d’une offre de soins centrée sur le patient. Le savoir-faire à l’étranger est une source d’inspiration et d’informations, surtout sur ce qui a trait à la conception des mécanismes. Découvrir et comprendre ceux-ci devient une priorité pour ceux qui vont s’engager dans des expérimentations.

Références

Journal Officiel de la République Française, décret n° 2018-125 du 21 février 2018 relatif au cadre d’expérimentations pour l’innovation dans le système de santé prévu à l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

Natacha Lemaire, « Expériences étrangères de coordination des soins : les Accountable Care Organizations de Medicare aux Etats-Unis », novembre 2017.

Sénat, « Rapport d’information sur le financement des établissements de santé – n° 703 », 25 juillet 2012.

A. Charlesworth, A. Davies, J. Dixon, « Reforming payment for health care in Europe to achieve better value », Nuffield Trust, août 2012.

A. Fouard, A. Townsend, « Financements innovants : pour quelles nouvelles valeurs ? », Petit-déjeuner de la Chaire Gouvernance et Régulation, Université Paris-Dauphine, 8 juin 2017.

P. Hémery, « Le ministère de la Santé cherche le pilote des expérimentations d’innovation organisationnelle », Hospimedia, 20 février 2018.

J. Jacobs, I. Daniel, G.R. Baker, A. Brown, W. P. Wodchis, « Bundling Care and Payment: Evidence from early adopters », Institute of Health Policy, Management & Evaluation, University of Toronto, août 2015.

H. Meyer, « Hospital’s experience with heart-failure bundles could be blueprint for others », Modern Healthcare, 27 janvier 2018.

A. Coelho, A. Diniz, Z. Hartz, G. Dussault, « Gestão integrada de doença renal crónica : análise de uma política inovadora em Portugal », Revista Portuguesa de Saúde Pública, 32 (2014) 69-79.


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